Cabaret Blanche – Froggy Delight

Spectacle musical écrit et mis en scène par Cristos Mitropoulos, Ali Bougheraba et Léo Guillaume, avec Camille Favre-Bulle, Sylvain Deguillame, Pierre Babolat, Benjamin Falletto, Patrick Gavard-Bondet, Stéphane Bouba Lopez, Cristos Mitropoulos et Djamel Taouacht.

C’est sous le panonceau du métro Blanche, époque Hector Guimard, que se déroule « Le Cabaret Blanche », enseigne fictive mais qui n’a besoin que de quelques minutes pour être habitée par de vrais artistes.

On est en 1914, au début de la boucherie universelle, et son écho résonne dans ce lieu qui cherche pourtant à vivre comme si la guerre n’existait pas.

Hanté par un trio en smoking qui semble anticiper les « Comédiens harmonistes », résidence d’un autre trio de musiciens attentifs et facétieux (Patrick Gavard-Bondet, Stéphane Bouba Lopez et Djamel Taouacht) prêts pour l’arrivée du jazz, « Le Cabaret Blanche » recèle du mystère et de la drôlerie.

On y trouve à sa tête Blanche (Benjamin Falletto), androgyne élégant, faux cynique au cœur d’artichaut, qui cache sous ses traits longilignes à la Barbara des versions de Fréhel à donner la chair de poule à ses inconditionnels.

On y découvre une jolie habilleuse, Violette (Camille Favre-Bulle), elle aussi masque d’une danseuse peut-être inspirée de Mata-Hari et qui le prouvera dans un éblouissant numéro syncrétique mêlant danse indienne et danse du ventre. On y retrouvera en « running gag » Sandrex (Pierre Babolat), qui n’a pas besoin de s’habiller en comique troupier pour magnifier le divin « Trou de mon quai ».

Même Cristos Mistropoulos, coauteur avec Léo Guillaume et Ali Bougheraba de ce spectacle magiquement total, viendra sur scène sous divers traits et notamment ceux du père de Pippo (Sylvain Deguilaume), pour un irrésistible et enfariné numéro de chanson pâtissière.

Tout ici est propice à des moments dignes des meilleures comédies musicales hollywoodiennes, comme cette époustouflante évocation des tranchées avec un seul soldat. Plus fort encore, les auteurs réussissent des enchaînements très créatifs, à l’image de celui où Violette fait essayer des costumes à Pippo, et qui rappelle joliment un passage d’un film de Busby Berkeley avec Mickey Rooney et Judy Garland.

Il y a quelques années, on avait vu Camille Favre-Bulle, Benjamin Falletto et Cristos Mistropoulos dans un spectacle rendant hommage à la chanson marseillaise, « Sarvil, l’oublié de la Canebière », déjà écrit par Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos. Une fois encore, les deux compères, par ailleurs co-auteurs de « Ivo Livi, ou le destin d’Yves Montand », montrent toute leur connaissance de la chanson populaire française d’avant guerre.

Sans faute de goût, sans avoir besoin d’un second degré appuyé pour interpréter des textes équivoques ou fleur bleue, ils ont construit un spectacle musical dense et cohérent.

Bénéficiant d’un écrin soigné, qu’il s’agisse des costumes de Virginie Bréger et Christian Courcelles, des décors d’Olivier Hébert et des lumières de David Darricarrère, « Le Cabaret Blanche » étale ses couleurs et sa bonne humeur, mais sait aussi, le final le prouvera, distiller une émotion vraie. Personne ne pourra oublier Camille Favre-Bulle chantant a cappella « Si petite » de Lucienne Boyer.

Spectacle qui aime ses spectateurs, « Le Cabaret Blanche » rend heureux.

Philippe Person, Froggy Delight

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