Les mille et une voix de Natalie Dessay

Après avoir été une star incontestable du monde lyrique, Natalie Dessay s'est tournée ces dernières années vers d'autres univers, notamment le théâtre et la comédie musicale. On l'a vue par exemple sur la scène du Châtelet dans Les Parapluies de Cherbourg et Passion. Aujourd'hui, après un premier album avec Michel Legrand, elle retrouve à nouveau le maestro pour un nouvel opus Between Yesterday and Tomorrow. En compagnie de son coach vocal, Pierre Babolat, elle évoque pour nous son rapport à la comédie musicale.

Natalie Dessay

Natalie Dessay, quel est votre rapport à la comédie musicale ? Depuis quand aimez-vous ce genre ?
Ça remonte à ma pré-adolescence : j’ai été élevée avec le ciné club et les comédies musicales hollywoodiennes. Tout me plaît dans ce genre : les costumes, les chorégraphies, la joie, Fred Astaire, Gene Kelly, Cyd Charisse… J’aime les acteurs, et ceux qui chantent et qui dansent, encore plus que les autres !

Aujourd’hui, vous sortez un nouvel album composé par Michel Legrand avec des textes en anglais de Alan et Marilyn Bergman. Comment le qualifieriez-vous ?

Ce n’est ni de la musique classique, ni une comédie musicale. Michel appelle ça un oratorio, ça veut tout et rien dire, mais on va le faire sous forme de concert avec une mise en espace de Christophe Lidon. La formation ce sera 80 musiciens et une voix. C’est une heure de musique en continu avec des interludes orchestraux entre chaque chanson. C’est l’histoire de la vie d’une femme du début à la fin en passant par toutes les étapes de la vie. C’est un projet qui avait tenté de voir le jour dans les années 70 avec Barbra Streisand, mais qui n’a pas pu se faire pour diverses raisons et dormait dans les tiroirs, inachevé. Quand Michel m’en a parlé et que j’ai vu la merveille que c’était, je lui ai dit qu’il fallait absolument qu’il le termine et qu’il l’orchestre.

Depuis quelque temps, vous travaillez votre voix avec Pierre Babolat, votre coach vocal. Pierre, pouvez-vous nous parler de votre rencontre ?

Pierre Babolat : On se croisait sur les répétitions où j’étais choriste. Je me souviens de cette phrase qu’elle chantait : « I see now I was blind », et au début, elle l’abordait avec une technique plutôt lyrique . Au fur et à mesure, sans doute influencée par ses partenaires, un peu avant la première, Natalie a sorti un son bien épais comme on le veut en comédie musicale. Ce jour-là, je lui ai dit : « merci pour ce belting » [NDLR : façon d’utiliser la voix dans l’aigu. Le son fort et projeté sonne comme un appel]. Elle n’avait pas l’air de connaître ce terme et je me suis dit que c’était dommage qu’elle n’aie pas forcément le vocabulaire des autres musiques. Un peu plus tard, j’ai pris mon courage à deux mains pour lui écrire un mail pour lui dire que ça me ferait plaisir de lui montrer un peu comment ça marche en comédie musicale. J’ai mis deux jours avant d’envoyer le message et Natalie m’a répondu dans la demi-heure : « Super ! Quand ? ». Elle est venue, j’ai eu peur pendant deux minutes puis j’ai vu qu’elle assumait…

Natalie Dessay : … d’être là pour apprendre quelque chose que je ne connaissais pas. C’était l’inverse de ce que je savais faire depuis trente ans ! C’est comme si j’avais mangé de la viande toute ma vie et que je devais tout à coup être vegan. Ou l’inverse ! Forcément, c’est un changement de perspective et de vie. Mais je me définis comme une athlète vocale donc, en tant que telle, je dois savoir tout faire. L’opéra, c’est fait. Maintenant, il faut que j’apprenne une autre technique vocale. Je fais déjà du doublage de dessin animé : des sorcières, des poussins, des princesses. Il n’y a pas de raison que je ne fasse pas de voix de comédie musicale. Mon métier, c’est la voix. Et maintenant, je joue aussi au théâtre sans chanter, c’est aussi une question de voix.

Pierre Babolat : Natalie a chanté des partitions lyriques extrêmement difficiles et virtuoses, et c’est intéressant de basculer dans la comédie musicale et de se rendre compte que c’est tout aussi virtuose, mais d’une autre façon.

Natalie Dessay : On ne cherche pas la même chose. Ce qu’il m’a manqué à l’opéra, c’est qu’on ne pouvait pas être autant dans les mots. On est très contraint par la forme, qui est très rigide. Et ce qui est beau dans la comédie musicale, c’est qu’il faut être plus dans les mots, l’émotion.

Natalie Dessay, Between Yesterday and Tomorrow, Sony Classical.
Sur scène au Théâtre des Champs Elysées, les 29 et 30 mars 2018.

Le mardi 16 janvier 2018 à 18 h 00 min | Par

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